S'ouvrir à de nouveaux horizons

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Ne laissez plus chez vous cette partie de vous-même qui constitue votre identité propre : faites du cinéma ! Epanouissez-vous dans un projet de film, développez vos compétences artistiques, aiguisez votre regard, venez à la rencontre de l'autre, développez votre esprit critique, améliorez votre maîtrise des outils du cinéma et de l'audiovisuel, et ouvrez-vous à l'international !

dimanche 28 avril 2024

TOS   Il ne manque pas grand chose à A Touch of Sin de Jia Zhang Ke, pour être le grand film de l'année.

   Ce qui nous a plu, c'est cette volonté du réalisateur de faire le point sur la Chine en plein libéralisme et d'en dénoncer les dérives en suivant le destin de 4 de ses victimes. Corruption,  essor de jeunes industriels sans scrupules, omerta, oppression d'un peuple maintenu dans la pauvreté et l'ignorance, abus de pouvoir des plus riches qui pensent que tout s'acquiert par la force ou l'argent : tout y est.  On a aimé la métaphore de la bestialité à travers des plans s'attardant sur des bêtes sauvages qui au final le sont bien moins, sauvages, que l'homme lui même car elles n'ont pas sa perversité. On a aimé aussi les actualités qui témoignent des dommages collatéraux de ce type de fonctionnement, et de ce que deviennent ceux que la narration avait semblé laisser en arrière plan. On a aimé encore l'illustration par l'opéra chinois façon No japonais, itinérant, de deux destinées de ce film, et témoignant du fait que depuis la nuit des temps les injustices se reproduisent dans une humanité qui ne tire aucune leçon de ses erreurs passées. 

   Nous nous sommes attachés à ces victimes extrêmement touchantes qui finissent par "péter un cable".

   Dahai, est l'homme éclairé d'un village du Shanxi que l'on veut faire passer pour un illuminé et que l'on tente d'humilier et de faire taire parce qu'il dénonce la corruption et les risques que les mineurs encourent à accepter ainsi d'être spoliés. Les actualités ne vont-elles pas annoncer leur mort dans l'explosion de la mine dans laquelle ils travaillaient ?  Heureusement (et l'on se surprend nous-mêmes à dire "heureusement") Dahai a la tête dure et tuera jusqu'à celui qui maltraitait son cheval. 

  Zhousan, est peut-être le plus terrifiant des quatre, qui n'hésite pas à tuer de sang froid ceux qui le volent directement en le braquant, ou indirectement en retirant  d'énormes et suspectes sommes d'argent liquide de leur banque. Il n'a rien trouvé d'autre pour nourrir sa femme et son enfant, et donner du piment à sa vie. 

   Xiaoyu, allant d'injustices en injustices, suscite vraiement notre compassion.  Non seulement un homme marié la mène en bateau depuis des années dont on comprend qu'il ne franchira jamais le pas (les actualités nous apprendrons qu'il n'aura sans doute pas survécu à l'accident de train), mais de surcroît, la femme de cet homme la fait rouer de coups. De plus, issue d'un milieu familial défavorisé, elle enchaîne les boulots miteux où les hommes aisés tentent d'abuser d'elle. Enfin, sauvant son honneur par la lame, elle est jugée criminelle. Il est intéressant de comprendre le message du réalisateur selon lequel autrefois, du temps de la Chine antique et des Arts Martiaux, l'opprimé pouvait encore tenter de sauver sa vie voire venger son honneur baffoué, tandis qu'aujourd'hui chacun est attaché au sort tragique de sa condition.

   Xiaohui, nous touche tout particulièrement car il incarne la jeunesse, une jeunesse qui comprend très tôt qu'elle ne peut pas se permettre l'insouscience liée ailleurs à son âge. Une jeunesse qui doit rapporter de l'argent à ses parents et à la société tout entière, et qui saisit rapidement qu'elle n'est que chair fraîche pour nourrir les besoins d'une élite, qu'elle n'a aucun devenir et aucune chance d'exaucer un rêve quel qu'il soit, comme l'illustre le point de vue que Xiaohui peut avoir de son dortoir de Foxconn, sous-traitant d'Apple.  

   Ce qui nous a manqué : que les destins finissent par se croiser de manière plus aboutie. Oui, Dahai, Zhousan et Xiaoyu passent par le même village mais il eût été absolument génial, que chacun des quatre personnages ait l'occasion d'une manière ou d'une autre d'y passer, et peut-être de voir sa destinée représentée par l'opéra chinois, bref, que la boucle soit bouclée, l'oeuvre, dans ce monde chaotique, bien achevée. 

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